Cannelle de Ceylan, de Chine, quelle différence ?

La cannelle fait partie des remèdes à base de plantes les plus anciennement employés autour du monde. Cannelle de Ceylan, cannelle de Chine sont aujourd’hui 2 des 3 espèces du genre Cinammomum qui ont une valeur commerciale très importante, liée à leur usage alimentaire ou bien-être.

On trouve les deux cannelles sous différentes formes : bâtons, poudre, extraits, compléments alimentaires… Pourtant il ne s’agit pas des mêmes plantes, en termes botaniques et chimiques. Comment faire la différence entre la cannelle de Ceylan ou de Chine ? Quelle cannelle choisir, pour quelle application ?

Aspect botanique

Les cannelles font partie de la famille des Lauracées et du genre Cinnamomum. C’est le même genre que Cinnamomum camphora, le camphrier du Japon. Il a aussi des propriétés médicinales grâce à sa teneur en camphre, et on extrait de ses feuilles l’HE de ravintsara. Mais revenons à nos cannelles : il est possible de distinguer leurs écorces avec un œil avisé.

La cannelle de Ceylan

Son nom binomial est Cinnamomum verum J Presl. (le synonyme C. zeylanicum est aussi fréquent). D’après la Pharmacopée Européenne, l’écorce lisse et brun-jaune, de moins d’1 mm d’épaisseur, se présente sous forme de tuyaux isolés ou emboîtés les uns dans les autres.

La cannelle de Chine

Son nom binomial est Cinnamomum cassia. Son écorce est rugueuse, d’un brun-rouge sombre, et plus épaisse que celle du cannelier de Ceylan.

Alors, quelle cannelle est laquelle ?

Aspect écologique

Le Sri Lanka est le premier exportateur de cannelle vraie (90 % du marché en 2020). Il en produit 24 000 MT sur 33 000 ha. Les pays voisins exportent une quantité encore plus importante de cannelle de Chine, mais pour une valeur marchande moins importante. 

Au Sri Lanka, la cannelle est cultivée depuis des siècles : la ressource en elle-même n’est donc pas en danger. Le cannelier est d’ailleurs considéré comme espèce invasive dans d’autres pays. En revanche, une surface importante a subi une déforestation pour installer ces cultures, ce qui a entraîné des conséquences sur l’équilibre écologique de l’île (dessèchement et appauvrissement des sols, pluies plus faibles et irrégulières, inondations…).

D’autres espèces de canneliers endémiques de l’ile n’ont pas d’importance économique à l’heure actuelle, mais la recherche s’y intéresse car elles pourraient être utilisées pour créer de nouvelles variétés plus résistantes au changement climatique et aux ravageurs.

Aspect chimique

La composition des écorces

Au niveau de la composition en macro-éléments, il y a peu de différence entre la cannelle de Chine et celle de Ceylan. L’écorce des cannelles contient des proanthocyanidines (des pigments antioxydants), des acides phénols (antioxydants aussi), de l’huile essentielle, des polysaccharides. Elle contient aussi des vitamines (A, B1, B2, B3, C) et des minéraux (Ca, P, Fe, Mg, Na, K, Zn). Toutefois, ne comptez pas spécialement sur elle pour assurer vos apports en oligoéléments : il est bien plus simple et pérenne de miser sur une alimentation variée, équilibrée et riche en végétaux !

Ce qui différencie les deux cannelles, c’est leur teneur en une molécule appelée coumarine. La cannelle de Chine en contient en moyenne 3 grammes par kilogramme d’écorce. C’est 60 fois plus que la cannelle de Ceylan qui en contient au maximum 50 milligrammes (0.05 grammes) par kilogramme (d’après les critères de la Pharmacopée Européenne). La teneur en coumarine est donc un critère utile pour détecter une substitution de la cannelle de Ceylan par la cannelle de Chine.

Les huiles essentielles (HE)

Il existe plusieurs huiles essentielles de cannelle, obtenues des deux espèces. Les compositions sont les suivantes :

 Cannelle de Ceylan (C. verum)Cannelle de Chine (C. cassia)
ÉcorceRiche en cinnamaldéhyde (max. 75 %)
Eugénol (< 7.5 %)
FeuillesRiche en eugénol (max. 80 %)
Cinnamaldéhyde (< 1.5 %)
Riche en cinnamaldéhyde (max. 90 %)
Coumarine (< 4 %)

L’HE de l’écorce de cannelle de Ceylan est chimiquement très proche de l’HE des rameaux feuillus de cannelle de Chine. Le cinnamaldéhyde est leur principal composant. C’est la présence de coumarine dans l’HE de C. cassia qui permet de les différencier. L’HE des feuilles de cannelle de Ceylan est plutôt comparable à une HE de clou de girofle en termes de composition chimique. Elle n’aura donc pas tout à fait les mêmes propriétés que les deux autres et je n’en parlerai pas dans la suite de l’article.

L’huile essentielle inscrite à la Pharmacopée Européenne est celle de l’écorce de C. verum J Presl., le cannelier de Ceylan. L’une de ses particularités est sa densité, supérieure à 1 : contrairement à la plupart des huiles essentielles, elle est plus dense que l’eau.

Aspect scientifique (pharmacologie et physiologie)

Les propriétés des huiles essentielles de cannelle (écorce de C. verum et feuilles de C. cassia) sont liées à leur forte teneur en cinnamaldéhyde, elles sont donc très proches. La poudre d’écorce de cannelle de Ceylan partagera les propriétés de l’huile essentielle car elle peut en contenir jusqu’à 4 % (donc jusqu’à 3 % de cinnamaldéhyde). Elle aura également des propriétés intéressantes liées à ses teneurs en composés antioxydants.

Propriétés physiologiques

Les compositions des écorces des deux cannelles sont assez proches. Il y aura donc peu de différence entre cannelle de Ceylan et de Chine pour ce qui est des propriétés. La cannelle (poudre, extraits) a montré des propriétés intéressantes dans diverses études cliniques sur les troubles métaboliques, notamment le diabète, et sur les pathologies neurodégénératives. Ces propriétés seraient en lien avec le potentiel antioxydant de certains composés de l’écorce (proanthocyanidines, acides phénols). Toutefois les données sont trop peu homogènes et il est encore compliqué d’en tirer des conclusions solides pour l’humain.

Ces mêmes mécanismes antioxydants seraient responsables de l’activité anti-inflammatoire et anti-douleur de l’écorce de cannelle de Ceylan. Au niveau digestif, l’écorce a aussi des propriétés gastro-protectives.

Dans la sphère digestive, l’HE est à utiliser avec parcimonie car elle est très irritante. Elle s’illustrera plutôt sur les problèmes en lien avec le déséquilibre du microbiote grâce à ses propriétés antibactériennes. Des études in vitro ont montré qu’elle avait également une activité spasmolytique. Dans ce cas, on l’associera avec une HE gastro-protectrice (par exemple Citrus limon, le citron jaune), ou on prendra une forme encapsulée.

L’huile essentielle de cannelle est aussi un puissant antiseptique, antifongique, antiviral et antiparasitaire.

Usages possibles

L’Agence de Médecine Européenne (EMA) propose les posologies traditionnelles suivantes :

  • Pour l’écorce de cannelle de Ceylan en infusion, 1,5 à 4 grammes par jour, en 3 fois.
  • Pour l’HE de cannelle de Ceylan, 50 à 200 milligrammes par jour (soit 3 à 10 gouttes), en 3 fois.

Consommer l’infusion permettra de profiter des bienfaits des composés antioxydants, qui ne sont pas retrouvés dans l’huile essentielle.

Précautions d’emploi

Les précautions à prendre sont en lien avec 2 composés : la coumarine et le cinnamaldéhyde.

Coumarine

La coumarine est présente dans la plante car issue de la voie de biogenèse des acides cinnamiques, en quantité importante dans les plantes du genre Cinnamomum. Sa teneur, plus importante dans C. cassia, est la principale différence entre la cannelle de Ceylan ou de Chine au niveau chimique.

La molécule de coumarine (PubChem)

Historiquement, l’hépatotoxicité de la coumarine a été mise en évidence sur des rongeurs, mais il s’avère qu’elle est bien moins importante chez l’homme : il est capable de métaboliser la coumarine grâce à une enzyme de la famille des cytochromes, le CYP2A6. Ce n’est pas le cas de la souris… Principe important en pharmacologie, l’humain n’est pas une souris de 70 kilos ! Une hépatotoxicité a toutefois été observée à partir de 25 milligrammes par jour de coumarine (soit environ 8 grammes de cannelle de Chine), en lien avec la variabilité des cytochromes. Quelques personnes ont génétiquement une sensibilité accrue.

Un autre risque lié à la présence de coumarine est la potentielle interaction avec les anti-coagulants et les anti-vitaminiques K. Comme la coumarine est une molécule de la même famille que certains médicaments anticoagulants, la prudence est de mise.

L’EFSA a fixé le seuil de la consommation quotidienne tolérable de coumarine à 0.1 milligrammes par kilo de poids de corps, c’est-à-dire 5 mg pour une personne de 50 kg. Ces 5 mg sont apportés par environ 1,7 g d’écorce de cannelle de Chine en poudre, ou bien par environ 100 g de cannelle de Ceylan. Cette dernière est donc beaucoup plus sûre d’utilisation vis-à-vis du risque lié à l’hépatotoxicité de la coumarine.

Cinnamaldéhyde

Le cinnamaldéhyde est un irritant cutané et une substance allergisante. Une utilisation de l’huile essentielle de cannelle non-diluée sur la peau ou par voie orale peut donc conduire à l’apparition de rougeurs, d’irritations, de sensation de brûlure ou à une réaction allergique.

La molécule de cinnamaldéhyde (PubChem)

Les autres données sur la toxicité du cinnamaldéhyde sont contradictoires : les effets de la molécule isolée ne sont pas retrouvés dans les tests menés avec l’huile essentielle ou d’autres extraits.

Précautions à retenir

Globalement, par précaution, on privilégie la cannelle de Ceylan, que ce soit dans l’alimentation ou pour son huile essentielle. On n’utilise pas non plus l’huile essentielle de feuilles de cannelle de Chine (C. cassia) chez les personnes sous traitement anti-coagulant ou hémophiles.

On évitera l’huile essentielle de cannelle, peu importe l’origine, dans les cas suivants :

  • allergie connue (à la cannelle ou au baume du Pérou)
  • pathologie hépatique, mais aussi consommation d’alcool ou de paracétamol, car l’HE diminue l’activité d’une enzyme impliquée dans leur métabolisme
  • chez les enfants, les femmes enceintes ou allaitantes.

Aspect réglementaire

C’est la cannelle de Ceylan qui est inscrite à la Pharmacopée Européenne et à l’EMA. Les compléments alimentaires peuvent contenir les deux cannelles. L’ANSES a publié un avis en 2021 dans lequel elle a évalué les risques d’hépatotoxicité liés à la teneur en coumarine dans les compléments alimentaires.

Récapitulatif

Les principales différences entre la cannelle de Ceylan et celle de Chine sont donc, au-delà de leur origine géographique : leur dénomination, leur aspect botanique, la partie utilisée pour obtenir l’huile essentielle, et leur teneur en coumarine. Ce dernier point a un impact sur la sécurité d’utilisation.

Pour conclure cet article, je vous propose de retenir les points suivants :

  • Cannelle de Chine ou de Ceylan, on les consomme avec parcimonie car leur culture entraîne des conséquences environnementales importantes.
  • On peut les différencier soit par leur aspect si les écorces sont entières, soit par leur dénomination scientifique (par exemple sur une boîte de compléments alimentaires), soit après analyse par leur teneur en coumarine.
  • La teneur en coumarine est la principale différence entre la cannelle de Ceylan et de Chine, et cela a un impact en terme de sécurité d’utilisation des huiles essentielles : la cannelle de Ceylan est plus sûre.

On choisit de consommer l’écorce en infusion ou en poudre pour ses effets sur le métabolisme et pour profiter de son potentiel antioxydant. On réserve l’HE, très diluée et combinée avec une HE gastro-protectrice par voie orale, aux usages antiseptiques. Pour les autres applications, il existe des solutions aussi efficaces et plus simples à mettre en œuvre.

Sources bibliographiques

Cannelle dite de Ceylan. Monographie Pharmacopée Européenne, 04/2011:0387.

Cannelle dite de Ceylan (huile essentielle de). Monographie Pharmacopée Européenne, 04/2011:1501.

EMA/HMPC/246773/2009. Assessment report on Cinnamomum verum JS Presl, cortex and corticis aetheroleum. London: European Medicines Agency, 2011.

RANASINGHE, Priyanga, PIGERA, Shehani, PREMAKUMARA, G. A., et al. Medicinal properties of ‘true’cinnamon (Cinnamomum zeylanicum): a systematic review. BMC complementary and alternative medicine, 2013, vol. 13, no 1, p. 1-10.

SENARATNE, Ranjith et PATHIRANA, Ranjith (ed.). Cinnamon: Botany, Agronomy, Chemistry and Industrial Applications. Springer Nature, 2021.

Isabelle Machet
error: Ce contenu est protégé
Le site évolue ! Nous l'actualisons afin de vous proposer de nouvelles offres.
+