Une huile essentielle, c’est quoi ?

Pour ce premier article, je vous propose de découvrir les outils phares de l’aromathérapie : les huiles essentielles. On leur prête énormément de propriétés et de bienfaits, mais avant d’apprendre comment mieux les utiliser, regardons de quoi il s’agit exactement.

La définition de l’huile essentielle

La définition réglementaire est inscrite dans la Pharmacopée Européenne : une huile essentielle, c’est un « produit odorant, généralement de composition complexe, obtenu à partir d’une matière première végétale botaniquement définie, soit par entraînement à la vapeur d’eau, soit par distillation sèche, soit par un procédé mécanique approprié sans chauffage ». La Pharmacopée Française donne également une définition, et renvoie à la Pharmacopée Européenne pour définir les huiles essentielles dites médicinales.  

En résumé, la Pharmacopée Européenne nous explique que trois choses définissent une huile essentielle :

  • sa nature, odorante et complexe : c’est un mélange de nombreuses molécules, pas une substance chimiquement pure.
  • son origine végétale botaniquement définie : la partie de la plante utilisée, sa dénomination botanique (son genre et son espèce, voire sa variété et son chemotype), son origine géographique sont bien identifiées.
  • son mode d’obtention : la façon dont on l’extrait de la plante.

Définir une huile essentielle par son mode d’obtention est très important quand on veut l’utiliser pour ses propriétés physiologiques. Les propriétés sont liées à la composition chimique, et cette composition varie largement selon la façon dont l’extraction est faite.

Comment extraire l’huile essentielle de la plante ?

Le mode d’obtention est un des facteurs permettant de savoir si on a affaire à une huile essentielle ou pas. Regardons de plus près ce qu’il est possible de faire. Les trois processus d’extraction permettant d’obtenir une huile essentielle sont :

  • L’entrainement à la vapeur d’eau
  • La distillation sèche
  • L’expression à froid (c’est elle qui se cache derrière le « procédé mécanique approprié sans chauffage »).

Le producteur choisit l’un de ces trois processus en fonction de la partie de la plante qui produit l’huile essentielle.

Quelles sont les différences entre ces procédés ?

L’entrainement à la vapeur d’eau est le mode d’extraction le plus répandu. Il consiste à chauffer ensemble la plante et l’eau, à récupérer les vapeurs produites, puis les refroidir pour qu’elles repassent à l’état liquide : c’est une distillation. Ce mode d’extraction est très utilisé et applicable à la plupart des plantes. Il permet d’extraire l’huile essentielle des feuilles, des fleurs, des fruits…

Techniquement, le procédé de distillation par entraînement à la vapeur d’eau peut prendre différentes formes :

  • Hydrodistillation : quand plantes et eau sont mélangées dans la cuve
  • Distillation à la vapeur d’eau : la cuve est séparée en deux par une grille qui maintient les plantes hors de l’eau
  • Mais aussi des formes moins traditionnelles, plus complexes et plus rarement mises en œuvre en industrie.

La distillation sèche, comme son nom l’indique, ne nécessite pas l’utilisation d’eau. Cela en fait une technique très agressive qui, en pratique, n’est utilisée que pour la distillation des bois de cade et de bouleau. Elle a pour inconvénient de conduire à la formation de résidus de calcination toxiques. Il faut donc rectifier sa composition pour éliminer ces composés.

L’expression à froid est le procédé qui permet d’extraire les essences des agrumes : citron, bergamote, pamplemousse… Il s’agit de venir râper ou presser la peau du fruit pour en extraire l’essence. Le liquide obtenu est ensuite centrifugé pour isoler la fraction huileuse. Ce procédé n’implique pas de chauffage.

L’essence d’agrume obtenue peut contenir des molécules qui ne sont pas volatiles car il n’y a pas eu de distillation. Les pigments en sont un exemple. Elle peut être ensuite distillée pour isoler les composés volatils.

Les huiles essentielles : vraiment naturelles ?

Les huiles essentielles sont produites par les plantes, mais nous avons vu qu’un processus d’extraction particulier est nécessaire pour les récupérer. Peut-on toujours considérer que, si la ressource végétale est transformée par l’homme, elle soit totalement naturelle ?

La distillation peut entraîner la modification des composés de la plante en de nouveaux composés : la présence d’eau et le chauffage entrainent différentes réactions chimiques. C’est par exemple le cas de l’huile essentielle de camomille bleue (extraite de Tanacetum annuum L.) ou de l’huile essentielle de camomille allemande (ou matricaire, extraite des fleurs de Matricaria recutita L.). Ces huiles sont d’une jolie couleur bleue car elles contiennent une molécule appelée le chamazulène. Or, cette molécule est produite par dégradation pendant la distillation : elle n’existe pas à l’origine dans la plante.

C’est aussi le cas de l’huile essentielle de rose de Damas. Il est indispensable d’immerger les pétales dans l’eau pour faire une hydrolyse, une réaction chimique qui permet la libération des composés odorants. Sans cette hydrolyse, par exemple si l’on réalisait une distillation à la vapeur d’eau, le rendement en huile essentielle serait bien moindre.

Ces deux exemples montrent bien que les huiles essentielles ne sont pas si naturelles que ça : il y a toujours un peu de chimie qui transforme l’essence de la plante pendant l’extraction. Au fur et à mesure des progrès scientifiques et technologiques qui nous ont permis de mieux connaitre les plantes et leurs extraits, l’humain a appris à sélectionner les méthodes d’extraction pour améliorer les rendements et mieux maitriser la composition chimique des huiles essentielles. 

Les huiles essentielles : un concentré de la plante ?

Vous avez sûrement déjà lu que les huiles essentielles sont « un concentré » de la plante, une « quintessence », un « totum »… Est-ce vraiment le cas ?

Grâce à la distillation ou l’expression, nous avons effectivement concentré l’ensemble des petites molécules odorantes insolubles dans l’eau… Ce qui représente seulement une petite partie de la plante. Difficile, donc, de considérer qu’une huile essentielle est un concentré de la plante ou un totum s’il en manque une partie.

Il y a bien d’autres substances dans le règne végétal, certaines ont aussi un intérêt physiologique. Citons par exemple les flavonoïdes du ginkgo, les mucilages de la guimauve, ou encore l’acide α-linolénique de l’huile de colza… Bien que ces plantes ne se distillent pas, elles sont des alliées précieuses pour notre bien-être. Selon l’effet recherché, la solution la plus adaptée ne se trouvera pas forcément dans l’aromathérapie.  

Prenons l’exemple du romarin à verbénone, auquel on attribue traditionnellement des propriétés de protecteur et détoxifiant hépatique. La recherche scientifique montre qu’en fait, cette propriété est plutôt liée à l’acide rosmarinique, une molécule absolument pas volatile mais plutôt retrouvée dans des extraits hydro-alcooliques. Pour profiter de cet effet, c’est donc vers un produit contenant de l’acide rosmarinique qu’il faudra se tourner, plutôt que vers l’huile essentielle de romarin.

Les huiles essentielles : un outil de plus dans la phytothérapie

En conclusion, les huiles essentielles sont bien définies, mais pas par leur naturalité ou leur puissance comme on le lit souvent. Elles sont simplement définies par leur qualité odorante, leur origine et leur mode d’extraction. Il existe des normes (AFNOR, ISO, Pharmacopées) qui précisent la composition attendue pour les huiles essentielles les plus fréquentes. Il est utile de savoir si les producteurs d’huiles essentielles respectent ces normes. Encore une fois, c’est de la composition chimique de l’huile essentielle que dépendront ses propriétés physiologiques.

Cela explique aussi pourquoi on ne peut pas généraliser les propriétés d’un extrait à tous les extraits d’une même plante. C’est là toute la subtilité de la phytothérapie et de l’aromathérapie.

Isabelle Machet
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